A l’heure actuelle, le hashtag « #bookstagram » regroupe 48.4 millions de publications dans le monde entier, provenant de comptes de toutes nationalités. Celui de « #bookstagramfrance », c’est 96.2000 publications. Et récemment, un certain podcast a soulevé de nombreuses indignations parmi les membres de la communauté française.

Loin de moi l’idée de remuer le couteau dans la plaie. Publié jeudi 3 septembre sur le site du journal France Culture, ce podcast semblait s’attaquer directement à la communauté Bookstagram (contraction de « book », signifiant « livre » et d’Instagram), en avançant l’idée que ceux qui partagent des photos de leurs lectures sur les réseaux souhaitent forcément montrer leurs supériorités intellectuelles. Ce à quoi ladite communauté a réagit, s’insurgeant contre cette pensée désignée comme « purement personnelle » et ne reflétant absolument pas la majorité des comptes Bookstagram présent sur la plateforme. Ce à quoi la journaliste a finalement répondu, expliquant bien qu’elle ne critiquait pas le partage d’avis livresques sur Instagram, mais seulement ceux qui se servent de la plateforme pour exposer leurs lectures afin de se donner un air plus intelligent, de la même manière que certains partagent leurs nourritures pour se donner un air « vegan », « végétarien » ou « healthy » qu’ils n’ont pas dans la vraie vie.

Une maladresse d’expression qui malheureusement donne une image négative d’une communauté qui n’est pas la cible première de l’article, ce que déplore beaucoup de ses membres francophones. Une réaction qui s’explique également par le fait que les derniers articles publiés par un gros journal national sur la communauté Bookstagram ont été ceux de Le Monde, en 2017 et 2018. Une image négative donnée par la presse qui ne colle pourtant pas aux répercussions positives de cette pratique, dénoncée comme « enfantine » ou « nauséeuse » par des journalistes qui ne sont très probablement pas en phase avec les nouvelles technologies et notamment Instagram, qui est extrêmement populaire auprès des jeunes, comme le monde les rapports de Google Play (Instagram et Snapchat étant les applications les plus téléchargées en 2019 par les 16 – 25 ans). Je ne suis cependant pas ici pour dénoncer, pointer du doigt, taper sur la table ou monter sur mes petits poneys, mais simplement pour rétablir une chose : Bookstagram n’est pas néfaste pour la littérature.

En effet, certains des journalistes qui se plaignent de la mise en scène des romans sur Instagram ou du ridicule de certains thèmes, sont les mêmes qui déplorent un manque d’intérêt des jeunes dans la littérature. Or, si on regarde les chiffres, le contenu lié aux livres a gagné 320 % d’engagement global auprès des consommateurs entre Février et Avril 2020. Les mises en scène colorées ou les montages tape-à-l’œil attire un nouveau public et permet à une plus large audience de découvrir la littérature sous un nouveau jour. Pour prendre un exemple personnel, ma petite soeur a horreur de la lecture. Si le livre va au-delà de 100 pages, elle abandonne. Or, grâce à Bookstagram et à certain(e)s influenceur(euse)s, elle est devenue plus curieuse et elle a découvert des livres et genres de littératures dont elle raffole désormais ! Et je doute que son cas soit unique. Mettre en scène le livre (ce que tous ne font pas) permet simplement d’accrocher l’œil du futur lecteur, ce qui est indispensable sur une plateforme où les jeunes passent plus d’une heure par jour à regarder à plusieurs dizaines de posts !

De plus, les bookstagrammeurs sont devenus un réel enjeu pour les maisons d’édition qui ne peuvent quasiment plus s’en passer aujourd’hui. Elles y trouvent un outil pour communiquer plus originalement et un nouveau moyen d’atteindre leur cible et de l’élargir en touchant un public plus jeune. Quoi de mieux pour promouvoir la sortie prochaine d’un livre que de laisser des influenceurs en parler à leurs communautés, permettant ainsi aux éditeurs de non seulement diffuser leurs catalogues à une nouvelle audience, mais en plus de voir les retours de ladite audience dans les nombreux commentaires laissés sous chaque nouveaux posts ? Parce que oui, sous les posts détaillés des Bookstagrameurs et Bookstagrammeuses, les commentaires affluent. Les passionnés partagent leurs opinions et débattent littérature. Si des marques telles que Nike, Channel ou Gucci peuvent s’associer à des célébrités pour vendre leurs produits, pourquoi Gallimard, Hachette ou Lumen ne le feraient pas ? Surtout quand on sait que 75% des lecteurs/followers de ces comptes Bookstagram ont déjà achetés un roman après l’avoir vu dans un post !

Et au-delà de tout ça, Bookstagram permet à des auteurs indépendants de se faire connaître et aux maisons d’éditions de fidéliser un lectorat à travers certains « influenceurs livresques ». Voire même, cette communauté permet de faire vivre certains acteurs du monde éditorial mis en danger par l’essor du roman numérique ! En mai 2020, le « Bibliothon », créé par une « influenceuse Bookstagram » Bulledop, a recensé 46 000 spectateurs et généré plus de 10 000 euros de dons pour venir en aide aux libraires et aux auteurs, ce qui, dans un pays où le modèle éditorial ne permet qu’à une mince élite de vivre de leurs plumes, est non négligeable. Bookstagram permet de mettre en avant des romans, des maisons d’éditions, des auteurs, des libraires ou des mouvements littéraires, les rendant accessible à la majorité de la population et offre une nouvelle lumière à la littérature trop souvent sacralisée par les adultes (combien d’adolescents ais-je pu entendre refuser de lire un classique parce que « les classiques c’est chiant » uniquement parce que c’est enseigné à l’école ?). Une pensée visiblement partagée : « ce sont les influenceurs qui réapprennent aux gens à lire. Les réseaux sociaux réussissent là où les professeurs ont échoué: faire nos devoirs littéraires. » [l’Echo]

Pour finir, partager son avis sur Instagram permet d’acquérir un esprit de synthèse, un esprit d’analyse, de se confronter aux jugements des autres, d’améliorer sa plume, son avis, mais aussi de débattre et confronter son opinion à celui des autres, permettant de parfois redécouvrir un roman sous une nouvelle lumière. Des atouts ô combien important dans la vie professionnelle et notamment dans le secteur littéraire. En sachant tout cela, il est difficile de dire que Bookstagram n’est qu’un réseau peuplé d’êtres vains et sans fond dont le seul but est d’étaler leurs supériorités intellectuels sur un réseau populaire. Je pense qu’il est temps d’arrêter de faire des généralités des quelques cas isolés qui terniront toujours l’image de tout groupe ou tout mouvement (les casseurs qui rendent l’image des Gilets Jaunes négatives ou les terroristes qui laissent penser que tout musulman en est un). Il existera toujours des gens qui se serviront d’un mouvement, d’une communauté ou d’un hashtag pour quelque chose de négatif, mais il ne faut pas faire de ces 2% une généralité.

Bien sûr, Bookstagram n’est pas non plus un monde de bisounours. Bien sûr, il existe des influenceurs qui font cela uniquement pour l’argent, pour la gloire, pour la popularité (la « course aux followers » existe aussi parmi les adeptes de la littérature !), mais sont-ils en majorité ? Non. Prêter des intentions, malveillantes qui plus est, à l’intégralité d’une communauté est dangereux, surtout quand ces propos sont tenus dans un journal national, par un(e) adulte, pour un public adulte. Au vu des réactions sur Twitter, je suis tout de même rassurée de voir que la plupart des gens qui ont écouté ce podcast ont immédiatement protesté contre de tels propos et de toute façon, trois minutes n’est pas suffisant pour résumer de manière satisfaisante tous les bienfaits de #Bookstagram.

En conclusion, je rejoins l’avis de Barbara Schoumacher, « Au début, Instagram était principalement axé sur les belles photos, parfois superficielles. Aujourd’hui, on veut apprendre quelque chose, même si certains le font principalement pour donner l’impression d’être cultivés« .

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24 commentaire

  1. Merci pour cet article plus que complet ! La maladresse de l’article sur le #bookporn m’avait rendue septique et finalement, on à râlé pour rien, elle à bien raison cette journaliste !

    1. Je pense que sa pensée était celle de la jeune belge à la fin, mais oui clairement sa maladresse en a rendu plus d’un sceptique !

  2. Entièrement d’accord avec toi. Instagram a pris une ampleur folle ces dernières années et est devenu un véritable vecteur culturel. Pourvu que ça dure !

  3. Hello,
    Je n’ai pas du tout entendu parler de ce hashtag. Personnellement, il m’arrive de partager mes lectures sur Instagram mais, c’est surtout quand les livres sont beaux ahahah.
    Belle journée,
    Romane – RomyBlog.com

      1. Cc je n’avais pas vu cette polémique sur ce sujet là. Malheureusement je trouve que les gens en font des tonnes pour rien. Instagram comme le blog reste pour moi une passion et pas une course aux followers.

  4. C’est pire que le Big Brother si cela continue, on est menotté, baillonné et j’en passe; du foin pour rien alors qu’on voit défiler des trucs #noncensurés

  5. Instagram est devenu une super plateforme ou l’on peut découvrir de très bon produit. Perso j’aime beaucop découvrir de nouvelles lectures en suivant des bookstagrammeuses 😉 Cela ne me choque pas

  6. Bonjour

    Je n’ai jamais lu ou vu ce hashtag. On en apprend tout les jours.
    Je suis ravie d’être tombée sur ton article

  7. Les tests de Stéphanie

    Merci pour ton article bien complet je ne connaissais pas du tout ce hastag

    1. Vraiment ? Dans ce cas, bienvenue dans le communauté !

  8. Coucou,

    Moi non plus je ne connaissais pqs ce hashtag et toute ma polémique qui en découle…
    Je ne partage pas mes lectures (je ne suis pas une grosse lectrice, je reste des mois sur un roman ^^). Par contre j’aime beaucoup instagram et j’ai découvert certaine lecture grâce à elle.

    Bisous

  9. Je ne connaissais pas ce hastag, mais j’hallucine qu’on puisse critiquer un phénomène qui incite à la lecture. Oui il y a beaucoup de fakes sur insta mais du moment que ça incite à se cultiver ou à manger plus sain, où est le problème ?

    1. Je ne sais pas. Après, comme je l’explique, je pense que c’est une maladresse de language !

      1. Peut-être mais c’est un peu malvenue venant de qq1 qui parle littérature

  10. Je ne connaissais pas ce hashtag mais je vais aller voir ça parce que j’adore lire et que ça donnera de belles découvertes à coup sûr

    1. C’est certain !
      Je te recommandé @lectureduneautruche si tu te lances sur Bookstagram 🙂

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